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PROPOSITIONS POUR SORTIR LA CÔTE D’IVOIRE DU DÉFICIT CHRONIQUE DANS LE SECTEUR DE L’ÉLECTRICITÉ.

La Côte d’Ivoire a, en ce moment, à côté de quelques producteurs secondaires, deux principaux producteurs de gaz naturel : Foxtrot International et CNR International.

 

C’est en 1994, qu’un contrat de partage de production sur le Bloc offshore CI-27 a été signé entre la Côte d’Ivoire et un consortium de sociétés menées par Bouygues. Ensuite, un décret d’août 1999 a octroyé l’Autorisation Exclusive d’Exploitation (AEE) de ce bloc à la société Foxtrot pour 25 ans, avec une période éventuelle additionnelle de 10 ans, en cas d’exploitation commerciale possible du gisement.

 

Il faut savoir que Foxtrot produit environ 75% du gaz naturel nécessaire à l’approvisionnement des centrales thermiques qui, elles même, produisent l’électricité fournie à la CIE. CNR, une compagnie canadienne, produit le reliquat de 25% de gaz.

 

D’autres champs gaziers, très prometteurs, ont été récemment découverts et devraient significativement contribuer à améliorer la situation déficitaire de l’approvisionnement en gaz naturel des centrales thermiques.

 

En effet, après la découverte en septembre 2021 du gisement offshore « Baleine », par l’italien ENI, une nouvelle grande découverte d’hydrocarbures, le gisement « Calao », enfouit à une profondeur totale de 5 km sous la mer contiendrait entre 1 et 1,5 milliard de barils de pétrole et du gaz associé. La mise en exploitation du gisement Calao devrait débuter d’ici à 2026. La phase 2 du champ baleine devrait, quant à elle, débuter avant la fin de l’année en cours.

 

Le problème majeur qui se pose actuellement, c’est que le rendement des blocs de Foxtrot a sensiblement baissé et ne permet pas de couvrir les besoins, toujours un peu plus croissants, de la Côte d’Ivoire en énergie électrique.

 

Les capacités de gaz sont donc insuffisantes pour assurer la souveraineté énergétique du pays qui se trouve donc dans l’obligation d’acheter, très cher, le complément de combustible nécessaire pour permettre à ses différentes centrales thermiques de fonctionner.

 

La part du pays dans les différents contrats de partage de production du gaz est très limitée et ne peut, à elle seule, suffire à alimenter en gaz les centrales thermiques.

 

Or, dans les différents contrats initiaux de production d’électricité signés dans les années 1990 - 2000 avec les compagnies concernées (Azito, Ciprel, CIE…) l’État s’est engagé à leur fournir gratuitement (donc aux frais de l’État) le combustible nécessaire à leur fonctionnement. 

 

Imaginons le drame national énergétique que notre pays connaîtrait si la production de gaz de Foxtrot venait à s’arrêter pour cause notamment d’actes de terrorisme ou de panne majeure. La coupure de câbles sous-marins d’internet et l’isolement qui en a résulté pour la Côte d’Ivoire est une parfaite illustration de ce qui pourrait nous tomber sur la tête si nous n’arrivons pas à anticiper.

 

L’État s’est également engagé à payer aux producteurs d’électricité, selon un prix déterminé d’avance sur toute la durée du contrat, l’électricité que ceux-ci produiraient. Et cela, que l’État ait besoin ou pas de cette électricité (contrat de type take or pay), étant entendu que cette énergie ne peut être stockée.

 

L’Etat de Côte d’Ivoire 🇨🇮 a donc plusieurs contraintes majeures qui l’étranglent et qu’il doit gérer au mieux pour assurer la continuité de la fourniture de l’électricité, à des coûts raisonnables :

 

a) - fournir aux producteurs d’électricité le gaz naturel nécessaire pour leur production d’électricité, et à défaut les combustibles de substitution.

 

b) - payer, au prix du marché, le complément de gaz nécessaire pour approvisionner, gratuitement, les centrales thermiques, et à défaut de gaz, le combustible de substitution,

 

c) - payer aux Producteurs Indépendants d’Électricité (PIE ou IPP) leur électricité selon un tarif prédéterminé,

 

d) - ne plus faire fonctionner ses centrales de production d’électricité au charbon en raison de ses engagements dans le cadre de la Cop-27.

 

Ce sont toutes ces contraintes, inhérentes au fait que les barrages hydroélectriques ne produisent que 25% de notre électricité, qui jouent défavorablement sur le tarif final d’électricité que doit supporter le consommateur ivoirien.

 

Face à un tel tableau, je m’interroge sur la pertinence d’un certain nombre d’options stratégiques que notre pays a adopté depuis 1990.

 

1 - Devons-nous continuer à nous priver des centrales au charbon alors même qu’en 2022, on estimait la production mondiale de charbon à 8,4 milliards de tonnes, en augmentation de 8 % par rapport à 2021. Les cinq plus grands pays producteurs (Chine, Inde, Indonésie, États-Unis et Australie) représentaient 81 % de la production mondiale de charbon.

 

2 - N’est-il pas temps de songer à construire des unités de stockage du gaz naturel pour assurer notre souveraineté énergétique, à l’instar du stockage des produits pétroliers par la Gestoci ?

 

Le gaz existe sur le marché international sous la forme de Gaz Naturel Liquéfié (GNL). Il reste juste au pays de se doter d'une infrastructure de stockage et regazéification pour régler ce crucial problème.

 

En effet, alors que de nombreux pays de l’Est (Azerbaïdjan, Kazakhstan…) disposent de grandes quantités de gaz naturel, à moindre coût, notre pays a fait le choix de l’achat de HVO et le HFO (proche du diesel) avec la SIR, pour compenser les pénuries de gaz naturel.

 

Le problème c’est que, en vue de combler ce déficit de gaz, l'État le fait plutôt avec du combustible liquide qui lui revient à 250 FCFA le kWh, contre 65 FCFA le kWh pour le gaz. Or, le tarif de vente de l’électricité est de 85 FCFA en moyenne le kWh. C’est en très grande partie ce qui explique le déficit financier du secteur.

 

L’option adoptée est manifestement contre-productive pour l’État. Alors, qui a intérêt à le maintenir ? Est-ce une affaire de gros sous qui bénéficierait à quelques initiés ?

 

3 - L’État ivoirien subventionne le tarif de l’électricité au consommateur final qui, de ce fait, en réalité, a été habitué à ne pas payer le juste prix de cette électricité qu’il consomme. Peut-on se permettre de perdurer dans un tel système ?

 

Cette politique de subvention est également observée dans le tarif des transports publics urbains (Sotra) mais également dans le secteur pétrolier lorsque les cours mondiaux atteignent des sommets.

 

Le développement économique soutenu du pays, poussé par une forte croissance, implique qu’une profonde réflexion prospective soit menée sur la question énergétique.

 

En effet, à très court terme, la totalité des localités du pays seront couvertes à 100% en électricité. Les zones industrielles se multiplient dans les régions. Or, elles sont très gourmandes en énergie électrique. L’utilisation de véhicules électriques, en lieu et place des véhicules thermiques, est déjà une réalité en Côte d’Ivoire et cela va aller crescendo. Le réchauffement climatique induira un changement des habitudes de consommation de l’électricité avec une hausse nécessaire de la demande.

 

Tout cela entraînera une forte et inéluctable augmentation de la demande d’électricité que l’Etat devra satisfaire en trouvant les meilleures solutions pour adresser efficacement la problématique du déficit structurel du secteur. 

 

Outre les autres propositions précédemment présentées, la solution pourrait donc être d’envisager la construction de petites centrales nucléaires de nouvelles générations.

 

Les Petits Réacteurs Modulaires (PRM) sont un nouveau type de réacteur nucléaire. Ils sont comme des minicentrales nucléaires avec de nouvelles caractéristiques de conception et sont conçus pour être plus sûrs et occuper moins d'espace qu'un réacteur classique.

 

Les PRM fonctionnent de la même façon qu’un réacteur nucléaire classique. Ils utilisent la fission afin d’extraire l’énergie du fractionnement des atomes pour produire de la chaleur. Cette chaleur est ensuite utilisée pour générer de l’électricité.

 

La puissance que peut générer un PRM dépend de sa taille et de sa conception. De nos jours, un PRM peut produire jusqu’à 300 mégawatts d’électricité. Ce qui est suffisant pour alimenter de grandes collectivités.

 

Le Ghana, à qui la Côte d’Ivoire vend de l’électricité, a déjà pris de l’avance dans ce domaine et pourrait donc surclasser notre pays si celui-ci ne se montre pas proactif.

 

En effet, notre voisin exploite un réacteur nucléaire de recherche depuis déjà plusieurs années, ce qui lui a permis d’acquérir de l’expérience en matière de technologie et de réglementation. Avec le soutien de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), le Ghana a achevé la première phase et est passé avec succès à la phase 2 de l’approche par étapes de l’AIEA.

 

Le Ghana a donc suivi toutes les étapes préparatoires, y compris la mise en place d’une administration, pour permettre au gouvernement de prendre une décision en connaissance de cause sur la poursuite de l’engagement envers un programme d’énergie nucléaire.

 

Plutôt que de s’engager dans une réflexion stratégique en faveur des PRM, notre pays semble plutôt privilégier la voie des énergies renouvelables telles que le soleil.

 

En effet, selon un communiqué officiel « le pays s’est fixé pour objectif d’accroître la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique à 45% à l’horizon 2030, en vue de respecter ses engagements internationaux, notamment les accords de Paris, en matière de réduction des émissions des gaz à effet de serre ».

 

Doit-on raisonnablement croire que les énergies renouvelables vont bientôt rendre obsolètes les PRM ou toute autre technologie nucléaire ? Je pense que non.

 

À première vue, l’énergie solaire semble être le choix le plus cohérent pour notre pays. Cependant, pour égaler la production d’énergie nucléaire, les panneaux solaires devraient couvrir de très vastes étendues de terres, ce qui, bien évidemment, posera d’importants problèmes environnementaux et fonciers.

 

Par ailleurs, l’énergie renouvelable ne peut pas contribuer à l’alimentation électrique de base parce qu’elle est intermittente. En effet, elles ne peuvent pas fournir la puissance électrique nécessaire notamment à l’industrialisation du pays.

 

Personnellement, bien qu’étant favorable aux énergies renouvelables, je doute qu’elles soient LA SOLUTION. Aussi, le nucléaire devrait-Il faire partie de notre mix énergétique.

 

Le solaire n'est pas la solution miracle car le pic de consommation a lieu la nuit, où le solaire est absent. Il faut donc compenser cette absence par d'autres technologies. Ce qui créé un surcout très important. Double investissement pour 1 même kWh, pour un pays pauvre !

 

La crise énergétique née du conflit Russo-ukrainien notamment devrait nous inciter à envisager le développement et le déploiement des PRM dans notre pays.

 

Une option stratégique qui nous permettra d’avoir une électricité abondante et bon marché, mais également de continuer à exporter vers nos pays voisins l’excédant d’électricité que nous produisons.

 

Jean Bonin KOUADIO

Juriste

Président du Think Tank dénommé FIER.

Membre du Cabinet international d’avocats Serres et associés, Paris

Ancien SG et DGA de l’Autorité nationale de régulation du secteur de l’électricité (Anaré)

Ancien Directeur juridique de l’Anaré

Ancien Conseiller juridique et fiscal du BNETD

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