Qu’importe que l’Ivoirien soit généreux, ouvert, altruiste et jouisseur ; pour peu que cela soit le reflet d’un soupçon d’humanisme !
Les peuples portent l’enseigne des valeurs les plus profondément partagées par le plus grand nombre. Celles-ci prennent leur ancrage dans les sources les plus intimes de chaque entité constitutive de la majorité ; et s’actualisent à l’occasion de grands rassemblements : comme c’est le cas actuellement en Côte d’Ivoire avec la Coupe d’Afrique des Nations de football (CAN). C’est alors que le naturel s’impose dans toutes ses outrances, pour mettre à nu, des résonances aspectuelles de mœurs voilées, cachées ou communément et implicitement dissimulées dans la somme des caractères et conduites qui caractérisent les citoyens de la même aire géographique.
Les Ivoiriens sont hospitaliers ! Ils aiment l’étranger ; ils seraient généreux et même débonnaires – l’a-t-on souvent entendu dire. Dans la culture profonde, à des heures reculées de notre histoire, l’amour pour l’étranger allait – avait-on entendu dire -, jusqu’à l’offre de la couche nuptiale à l’étranger ; agrémentée de la présence de sa compagne ! L’étranger serait roi, que l’on affirme dans d’autres cultures ivoiriennes où, il est également dit de lui, que son absence prolongée, est un signe de malédiction des dieux…
Bref, les étrangers sont venus cette fois-là, à une autre ère, et avec d’autres objectifs et ambitions : nous arracher ‘’notre coupe’’ pour s’en aller. Après avoir bénéficié et profité de notre hospitalité légendaire ! Pour respecter la tradition et le naturel dont il est dit, qu’il revient au gallot, chaque fois que l’on tente de lui faire entorse, les Ivoiriens assurent, en étalant leurs cultures et tous leurs savoir-faire au grand jour. Les mœurs sont belles parce qu’elles apparaissent légères à tous égards ! Elles convient, toutes, à la convivialité, à la spontanéité, à la générosité – quelquefois même, au don de soi ! Des jeunes filles à la beauté éclatante, et de jeunes hommes taillés sur mesures, et respirant l’air des modalités ambiantes de la mode universelle (cheveux frisés, ébouriffés, rasta et/ou coiffés selon les modèles féminins…), s’offrent dans une insouciance déconcertante, à leur environnement et au monde, par le truchement des médias : relayeurs de ce spectacle au monde entier…Tout est ou serait permis que rapportent certains témoins oculaires des événements ! Les cœurs, la chair, l’esprit et la volonté entrent en synesthésie, pour produire cette harmonie rarement perceptible dans le comportement humain, au cours de cette séquence de l’histoire où la rareté, assaisonnée de la dureté de la conjoncture économique et des aspérités morales, invite à la réclusion et au recueillement.
Dans les aéroports, au seuil des hôtels, ainsi qu’à l’entrée des cités spécialement construites pour les acteurs de cette compétition, se produisent danses, spectacles divers et autres prestations, spécialement conçus pour chaque délégation. Voici comment s’offre un autre aspect de cette culture ivoirienne, tant exaltée, d’hospitalité, de convivialité, de partage et de magnanimité. Les mœurs ici, en effet, échappent à la froideur des cœurs, à l’indifférence des uns vis-à-vis des autres, à la répulsion et/ou à la haine à peine voilée de l’étranger. Les Ivoiriens aiment l’étranger – certainement, comme ils s’aiment eux-mêmes. Ni plus, ni moins. Cette culture débonnaire, de partages et de considération de tous les êtres humains, quelles que soient leurs origines, leurs races, leurs religions… doit être capitalisée à plus d’un titre. Car, devrons-nous le rappeler, l’amour n’est-il pas la semence la plus divine au monde ? Pourquoi, devrions-nous donc être inquiets ou avoir peur parce qu’on a un caractère ou une culture qui fait de la place aux autres ?
Réjouissons-nous donc avec l’Afrique et le monde ! Que chaque Ivoirien, quelque soit le niveau où il se trouve, donne une leçon d’amour et de convivialité ; une portion de soi, et de mœurs à tous les étrangers qui sont de passage ici pendant cette période. Le monde, de plus en plus, desservi par la haine, la méchanceté, l’égotisme, le narcissisme et tous les vilains sentiments qui se construisent aux antipodes du bien-être de la majorité et de l’être humain tout court ; secoué par les violents spasmes de cris inaudibles des malheureux qui jonchent les rues des villes les plus opulentes ; meurtri par des calamités de tous ordres ; et, ployant sous le joug de l’arbitraire, de l’injustice, du poids intenable de l’outrance et des atrocités humaines, a besoin de souffle, de tranquillité, d’heureux partages et de sauvegarde.
Puisse cette CAN, organisée sur les terres d’Eburnie, constituer un instant de récréation, un moment de réinvention du mythe humain du Bonheur, un repère qui fonde l’épanouissement et l’ataraxie après lesquels court inlassablement toute l’humanité ; de façon, si vaine cependant ! Fasse que l’amour inlassablement prôné par la glose des spirituels, visite les cœurs ; puis, les esprits écrasés par la somme de vaines certitudes qui ont, si longtemps, éloigné l’humain de son semblable, l’agneau du loup ; les races des races ; les peuples des peuples ; les citoyens des citoyens…
Pour Aristote, « la culture des vertus occupe la place de « principal moyen d’accéder à la vie bonne » - l’équivalent de l’heureuse fin, assimilée au ‘’souverain bien’’ ; et repris en échos par un florilège de descendants de philosophes des siècles ultérieurs.
En échos à Zénobios, pour qui ‘’les bonnes mœurs portent les bons fruits’’, Saint-Just renchérit plus fort pour dire que ‘’ Les mœurs font toujours de meilleurs citoyens que les lois’’ !
Entre le culte des bonnes mœurs et l’étanche rigidité des pratiques culturelles asséchées de toutes formes d’empathie et de résiliences sentimentales - semées à l’échelle de l’humanité -, l’Ivoirien a choisi de ‘’se gérer’’ dans l’enjaillement par et pour tous !
Raphaël Yao KOUASSI
Enseignant-chercheur
VP du FPI chargé de la Culture et des Valeurs ivoiriennes