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LISTE ÉLECTORALE IVOIRIENNE : L’AUDIT DU FPI RÉVÈLE DES ANOMALIES INQUIÉTANTES

La transparence du processus électoral ivoirien est-elle compromise à sept mois de l’élection présidentielle ? C’est l’inquiétude majeure qui ressort de la conférence de presse organisée ce samedi 29 mars 2025 par le Front populaire ivoirien (FPI) à son siège d’Abidjan-Cocody. Dans une salle comble, où se pressaient de nombreux journalistes nationaux et internationaux, le parti à la rose a présenté les conclusions alarmantes d’un audit technique de la liste électorale provisoire 2024-2025, réalisé par un expert indépendant.

 

Un expert aux compétences internationalement reconnues

 

C’est Apollos Dan Thé, vice-président du FPI chargé de l’Économie internationale, de la Mondialisation et des Politiques d’intégration, qui a été mandaté pour cette mission d’expertise. L’homme n’est pas un novice en matière d’analyse de données. Actuaire de formation, directeur titulaire de département du Capital économique, il peut se prévaloir d’un parcours professionnel impressionnant auprès de cabinets prestigieux comme Milliman, PWC, Zurich Financial Services, KPMG et McKinsey.

Son profil académique est tout aussi éloquent : Bachelor en Actuariat, Master en prévisions financières et économiques, certificat post-universitaire de spécialisation en financial risk management, certificat post-universitaire de spécialisation en modélisation mathématiques financières, Fellowship of Institute of Actuaries (diplôme d’expertise en actuariat délivré par l’Institut britannique des actuaires) et formation en intelligence artificielle de l’Université d’Oxford. Des compétences en mathématiques financières, économie, finance, gestion des risques, budgétisation et prévisions financières qui font de lui un analyste de premier plan.

En préambule de la conférence, Kouakou Krah, vice-président du FPI chargé des Élections, a rappelé l’importance capitale de la liste électorale dans le processus démocratique : « La liste électorale est la matière première la plus importante des élections en Côte d’Ivoire. La réussite des élections dépend de la fiabilité et la crédibilité de la liste électorale. »

 

Une méthodologie rigoureuse

 

Pour mener à bien son travail d’analyse, Apollos Dan Thé a adopté une approche scientifique et méthodique. « Nous avons reçu les listes de la CEI en format (.csv). Pour que ces listes soient exploitables, nous les avons exportées dans une base de données SQL. Nous avons opéré nos recherches sur les listes électorales en écrivant des programmes SQL ; nous avons exporté les résultats dans Excel (.xls) pour d’autres analyses », a-t-il expliqué.

L’expert a conduit ses recherches sur huit listes électorales fournies par la Commission électorale indépendante (CEI) : la liste définitive de 2010, la liste définitive de 2015, la liste définitive de 2016, la liste provisoire de 2020, la liste définitive de 2020, la liste provisoire de 2023, la liste définitive de 2023 et la liste provisoire de 2025 (2024).

Cette analyse chronologique visait à établir une cartographie précise de l’évolution du corps électoral ivoirien depuis 2010 et à détecter toute anomalie statistique potentielle. Plusieurs axes de recherche ont été explorés : évolution d’ensemble de la liste électorale (totale et par département), identification des anomalies, vérification de la régularité des inscriptions selon le Code électoral, contrôle de l’identité primaire des inscrits, vérification des parents aux multiples enfants électeurs et détection des inscriptions multiples.

 

Une croissance électorale suspecte

 

Les premiers résultats de l’audit révèlent une accélération troublante de la croissance du corps électoral. « L’évolution de la liste électorale définitive de 2010 à 2024 en passant par 2015, 2016, 2020 et 2023, représentée sous forme de graphique, montre la faible progression entre 2010 et 2015 et la forte progression entre 2015 et 2020 et entre 2020 et 2024 », a souligné l’expert.

Les chiffres sont éloquents : de 2010 à 2015, la croissance de la liste électorale a été de 10%, alors qu’elle a bondi à 19% entre 2015 et 2020, puis à 20% entre 2020 et 2024. Si l’augmentation modérée de 10% entre 2010 et 2015 peut s’expliquer par le boycott d’une partie de la population, l’accélération fulgurante constatée par la suite soulève des interrogations, d’autant plus que « le boycott de la liste électorale était toujours en vigueur sur cette période », comme l’a précisé Apollos Dan Thé.

 

Des violations massives du Code électoral

 

L’un des points les plus préoccupants soulevés lors de cette conférence de presse concerne le non-respect de l’article 7 du Code électoral ivoirien. Cet article stipule que « la liste électorale contient les éléments d’identification des électeurs, à savoir le numéro d’ordre, le numéro d’enregistrement unique, le nom et les prénoms, la date et le lieu de naissance, le sexe, la profession, le domicile, le nom et les prénoms du père, le nom et les prénoms de la mère, la date et lieu de naissance du père, la date et le lieu de naissance de la mère, la photo d’identité et les empreintes digitales de tous les doigts en code barre ».

Or, l’audit révèle une dégradation alarmante de la conformité légale du fichier électoral au fil des années. « Sur la liste définitive de 2023, il y avait 2.760.404 électeurs en violation de l’article 7, ce qui représentait 34%. Sur la liste provisoire de 2024, ces cas sont montés à 6.272.013, soit 70% des électeurs », a déploré l’expert. Une situation qui témoigne d’une détérioration progressive de la qualité de la liste électorale.

Cette dégradation est particulièrement visible lors des dernières révisions : si en 2010, seulement 2% des nouveaux inscrits présentaient des informations incomplètes sur leur identité, ce taux est monté à 4% en 2015, 6% en 2016, 13% en 2020, pour atteindre 26% en 2023, avant de redescendre à 8% en 2024.

Plus inquiétant encore, l’expert a recensé 470.877 électeurs dont l’identité n’est pas suffisamment établie. « Sur la liste électorale, ces électeurs ont généralement pour nom ou prénoms, nom et prénoms de leurs parents le vide (rien n’est écrit) ou bien les mentions suivantes : ‘Inconnu’, ‘ND’, ‘PND’, ‘Non déclaré’, ‘Indéterminé’, ‘Indéterminée’, ‘ND’, ‘PND’, ‘Indéterminer’ », a précisé Apollos Dan Thé.

 

Le phénomène des « super-mères » et « super-pères »

 

L’investigation a mis en lumière un phénomène statistiquement aberrant : l’existence sur la liste électorale de mères et de pères avec un nombre irrationnel d’enfants électeurs. Si en 2010, seulement 30 mères avaient entre 15 et 50 enfants liés à elles sur la liste électorale, ce nombre a explosé en 2015 avec 4.547 nouvelles mères dans cette situation, dont 21 avec 300 à 400 enfants rattachés.

Cette tendance s’est poursuivie en 2020 et 2023 avec respectivement 610 et 347 nouveaux cas, dont certains comptant plus de 700 enfants. Curieusement, en 2024, leur nombre a drastiquement chuté de 4.300 cas. « Sur la liste électorale de 2023, il y 369.517 électeurs dont les mères sont sur la liste électorale des 5.517 mères de plus de 15 enfants, soit 4,6% des électeurs. En 2024, ces nombres passent à 143.508 électeurs pour 1.217 mères, soit 1,6% », a détaillé l’expert.

Un phénomène similaire a été observé concernant les pères. « Sur la liste électorale de 2023, il y a 329.754 électeurs dont les pères ont plus de 20 enfants sur la liste électorale. En 2024, le nombre de ces cas est descendu à 931 pères pour 166.020 électeurs », a relevé Apollos Dan Thé.

Plus troublant encore, la répartition géographique de ces « super-parents » n’est pas aléatoire mais concentrée essentiellement dans les régions du Centre et du Nord du pays. « Des mères qui ne se connaissent pas et leurs enfants ne peuvent pas agir de manière si synchronisée. C’est encore une preuve que la liste électorale a été très probablement soumise à des manipulations », a conclu l’expert.

 

Des doublons massifs inexpliqués

 

L’audit a également révélé l’existence de nombreux cas d’inscriptions multiples. « Il y a 223.397 électeurs qui ont 447.674 numéros d’électeur (certains ont 2 ou 3 cartes d’électeur chacun) sur la liste électorale de 2024, ce qui fait un surplus de 224.277 », a souligné l’expert.

Plus étrange encore, « la totalité des doublons parfaits sont dans trois départements suivants : Agboville, Sikensi et Tiassalé où il y a au total 219.964 électeurs avec chacun deux cartes, ce qui fait un surplus de 219.964 cartes d’électeurs ! ». Une concentration qui semble difficilement attribuable au hasard.

 

La transhumance électorale organisée

 

Dernier point d’inquiétude soulevé par l’expert : le phénomène de transhumance électorale. Si des changements ponctuels de lieu de vote sont normaux, « des transhumances en masse sont le résultat d’une organisation et d’une planification et cela fausse le jeu démocratique local », a expliqué Apollos Dan Thé.

L’analyse révèle qu’en 2024, « les villes de Tiassalé, Agboville et Sikensi ont reçu des électeurs venus essentiellement d’Abidjan », confirmant l’existence de mouvements organisés d’électeurs.

 

Un appel à l’audit indépendant

 

Face à ces multiples anomalies, le Front populaire ivoirien réclame un audit indépendant de la liste électorale. « Une liste électorale opaque ne peut aboutir à des élections transparentes. Un audit indépendant s’impose », a martelé Apollos Dan Thé.

Des modifications massives et inexpliquées auraient été apportées au fichier en 2024, soulevant de nouvelles interrogations : « Des informations sur les parents de centaines de milliers d’électeurs ont été changés en 2024. Par qui ? Sur la base de quels documents ? Pourquoi des informations sur la filiation de ces électeurs qui sont sur la liste électorale depuis 2015 pour la majorité changent subitement en 2024 ? », s’est interrogé l’expert.

La conférence de presse s’est tenue en présence de nombreux vice-présidents et membres du secrétariat général du parti à la rose, avec à leur tête le secrétaire général et porte-parole du parti, le vice-président Barthélémy Iré Gnépa, en l’absence du président Pascal Affi N’Guessan.

A sept mois de l’élection présidentielle d’octobre 2025, ces révélations jettent une ombre préoccupante sur la fiabilité du processus électoral en Côte d’Ivoire et pourraient raviver les tensions politiques dans un pays encore marqué par les violences post-électorales de 2010-2011.

 

Robert Krassault

ciurbaine@yahoo.fr

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