Comme vous le savez, chaque année depuis 1977, les Nations-Unies invitent le 8 mars tous les pays du monde à célébrer ensemble ‘’La Journée internationale des droits des femmes’’. Ces journées permettent au système des Nations-Unies, aux pouvoirs publics et à la société civile d’organiser des activités d’informations et de sensibilisation sur des thématiques liés aux droits des femmes. « Investir en faveur des femmes : accélérer le rythme’’, tel est le thème international 2024 retenu par les Nations-Unies. En Côte d’Ivoire, le gouvernement propose d’élargir la réflexion autour du thème suivant : « Agir ensemble pour l’égalité : éradiquer la pauvreté, renforcer les Institutions, investir dans le futur de la femme ». Avec l’Organisation des Femmes du FPI (OFFPI), j’ai décidé de participer à l’animation de cette journée en abordant la question de l’émancipation de la femme en Afrique sous l’angle de la civilisation comme enjeu de civilisation et défi de développement.
I. ORIGINE DE LA JOURNEE ET LES PACTES INTERNATIONAUX RELATIFS AUX DROITS HUMAINS
La journée internationale des droits des femmes est apparue à la fin du 19ème siècle, début 20ème siècle dans le contexte des mouvements de protestation et de revendication des femmes confrontées à des discriminations liées au sexe.
En 1848, dans l’Etat de New York, deux Américaines (Mmes Elizabeth Cady Stanton et Lucretia Mott) indignées par l’interdiction faite aux femmes de prendre a parole à une convention contre l’esclavage, décident d’organiser leur propre convention à l’issue de laquelle dans un texte appelé ‘’Déclaration de sentiments et de résolutions’’, elles revendiquent pour les femmes, des droits civils, sociaux, politiques et religieux
En 1909, conformément à une déclaration du parti socialiste américain, la première journée internationale des femmes est célébrée le dimanche 28 février, sur l’ensemble du territoire des Etats-Unis d’Amérique.
En 1910, plus de 100 femmes de 17 pays, membres de l’Internationale Socialiste, réunies à Copenhague au Danemark, décident d’instaurer une journée des femmes pour soutenir le mouvement en faveur des droits des femmes.
En 1911 et dans la foulée de la décision de Copenhague, est célébrée pour la première fois (19 mars 1911) la journée internationale des femmes, dans quatre pays d’Europe: l’Allemagne, Autriche, Danemark et Suisse. A cette occasion les femmes revendiquent le droit de voter, d’exercer une fonction publique, le droit au travail et à la formation professionnelle, ainsi que l’arrêt des discriminations au travail.
En 1913, 1915 et 1917, la journée internationale des femmes a été l’occasion pour les femmes de protester contre la guerre ou d’exiger comme à Petrograd (Saint-Pétersbourg) le 23 février 1917, « du pain et la paix ! ».
Officialisée en 1977 par les Nations Unies, tous les Etats membres sont invités à célébrer chaque année le 8 mars, la journée internationale des droits des femmes. Ces droits, sont des ‘’ droits humains’’, « universels, inaliénables » proclamés par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de décembre 1948 et complétés et renforcés en décembre 1966 par le « Pacte international » sur les droits civils et politiques et le « Pacte international » sur les droits économiques, sociaux et culturels.
A travers la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, les Nations-Unies considèrent que « la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux, inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde ». En conséquence « …. L’avènement d’un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère, a été proclamée comme la plus haute aspiration de l’homme ».
En 1981, les Etats africains se sont dotés d’une Charte spécifique, « la Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples ». Elle est entrée en vigueur en 1986 et vise à prendre en compte certaines particularités africaines, notamment toutes les questions liées à l’autodétermination des peuples (colonialisme, néocolonialisme, apartheid…) et toutes les formes de discrimination, fondées sur la race, l’ethnie, la couleur, le sexe, la langue, la religion, ou l’opinion.
Afin d’aborder de façon particulière la question de l’émancipation de la femme africaine, et d’assurer une protection plus large et plus forte des droits humains des femmes, notamment de leurs droits sexuels et reproductifs, « un Protocole à la Charte Africaine des droits de l’homme et des Peuples » relatif aux droits des femmes a été adopté à Maputo (Mozambique) en juillet 2003 et est entré en vigueur en novembre 2005.
Pour vous éclairer ou vous rappeler le caractère historique du Protocole de Maputo, je voudrais vous en décliner quelques dispositions.
L’article 2 relatif à ‘’l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes’’, engage les Etats à inscrire dans leur constitution et autres instruments législatifs, le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes, à interdire et réprimer toutes les formes de discrimination et de pratiques néfastes qui compromettent la santé et le bien-être général des femmes.
‘’Le droit des femmes à la dignité’’ est affirmé par l’article 3 qui engage les Etats à adopter et à mettre en œuvre les mesures appropriées en vue d’interdire toute exploitation des femmes ou tout traitement dégradant à leur égard, ainsi que la protection de la femme contre toutes formes de violence, notamment la violence sexuelle et verbale.
L’article 4 qui proclame ‘’le droit des femmes à la vie, à l’intégrité et à la sécurité’’, interdit toutes formes de violence à l’égard des femmes, y compris les rapports sexuels non désirés ou forcés, qu’elles aient lieu en privé ou en public. Il engage les Etats à identifier les causes et les conséquences de ces violences et à prendre des mesures appropriées pour les prévenir et les éliminer, à réprimer les auteurs de la violence, à prévenir et condamner le trafic des femmes, à poursuivre les auteurs, à interdire toutes expériences médicales ou scientifiques sur les femmes.
’’L’élimination des pratiques néfastes’’ est l’objet de l’article 5. Il s’agit notamment de l’interdiction de toutes formes de mutilation génitale féminine.
L’article 9 est relatif au ‘’droit de participation des femmes au processus politique et à la prise de décisions’’. Cet article dit que les Etats doivent engager des actions et prendre des mesures pour garantir la participation des femmes à toutes les élections sans aucune discrimination, pour assurer leur représentation en parité avec les hommes et à tous les niveaux dans les processus électoraux, ainsi qu’un partenariat égal avec les hommes dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques et des programmes de développement.
Aux termes de l’article 12 relatif au ‘’droit à l’éducation et à la formation’’, les Etats s’engagent à prendre toutes les mesures appropriées pour :
- Garantir l’égalité des chances et d’accès en matière d’éducation et de formation ;
- Eliminer tous les stéréotypes qui perpétuent les discriminations dans les manuels scolaires, les programmes d’enseignement et les médias ;
- Combattre et sanctionner toutes les formes d’abus, y compris le harcèlement sexuel dans les écoles ;
- Assister les femmes victimes d’abus et de harcèlement sexuel ;
- Intégrer la dimension genre et l’éducation aux droits humains à tous les niveaux des programmes d’enseignement scolaire y compris la formation des enseignants ;
La promotion de l’alphabétisation et de l’éducation non-formelle doivent faire l’objet de mesures spécifiques des Etats.
En matière de ‘’droits économiques et de protection sociale’’ (l’article 13), les engagements des Etats concernent :
- La promotion de l’égalité en matière d’accès à l’emploi ;
- Le droit à une rémunération égale des hommes et des femmes pour des emplois de valeur égale ;
- La transparence dans le recrutement, la promotion et le licenciement des femmes ;
- La liberté pour les femmes de choisir leur emploi, leur protection contre l’exploitation et la violation par les employeurs de leurs droits fondamentaux ;
- La création des conditions pour promouvoir et soutenir les métiers et activités économiques des femmes, en particulier dans le secteur informel ;
- La création d’un système de protection et d’assurance sociale en faveur des femmes travaillant dans le secteur informel et les sensibiliser pour qu’elles y adhèrent ;
- La prise de mesures appropriées pour valoriser le travail domestique des femmes ;
- La garantie aux femmes de congés de maternité adéquats et payés avant et après l’accouchement aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public ;
- La reconnaissance aux femmes salariées, le droit de bénéficier des mêmes indemnités et avantages que ceux alloués aux hommes salariés en faveur de leurs conjoints et de leurs enfants ;
- La prise de mesures appropriées pour combattre l’exploitation ou l’utilisation des femmes à des fins de publicité à caractère pornographique ou dégradant pour leur dignité.
S’agissant du ‘’droit à la santé et au contrôle des fonctions de reproduction’’, l’article 14 assure aux femmes :
- Le droit d’exercer un contrôle sur leur fécondité ;
- Le droit de décider de leur maternité, du nombre d’enfants et de l’espacement des naissances ;
- Le libre choix des méthodes de contraception ;
- Le droit de se protéger et d’être protégé contre les infections sexuellement transmissibles, d’être informées de leur état de santé et de l’état de santé de leur partenaire ;
- Le droit à l’éducation sur la planification familiale.
Les droits reproductifs des femmes doivent être protégés, particulièrement le droit à l’avortement médicalisé, en cas d’agression sexuelle, de viol, d’inceste et lorsque la grossesse met en danger la santé mentale et physique de la mère ou la vie de la mère ou de l’enfant.
Afin que la veuve jouisse de tous les droits humains, les Etats s’engagent à prendre les mesures (article 20) pour s’assurer que :
- la veuve n’est soumise à aucun traitement inhumain, humiliant ou dégradant ;
- qu’après le décès du mari, la veuve devient d’office la tutrice de ses enfants, sauf si cela est contraire aux intérêts et au bien-être de ces derniers ;
- que la veuve a le droit de se remarier à l’homme de son choix ;
‘’La protection spéciale des femmes en situation de détresse’’ est organisée par l’article 24 du Traité. « Les Etats s’engagent à assurer la protection des femmes pauvres, des femmes chefs de famille, des femmes issues des populations marginales et à leur garantir un cadre adapté à leur condition et en rapport avec leurs besoins physiques, économiques et sociaux ». Il en est de même pour les « femmes incarcérées en état de grossesse ou allaitement… ».
L’article 25 est relatif aux ‘’réparations’’ pour garantir une réparation appropriée à toute femme dont les droits et libertés, tels que reconnus dans le protocole sont violés.
Au total, le Protocole de Maputo comporte 32 articles.
II. L’EMANCIPATION DE LA FEMME ET L’ENJEU CIVILISATIONNEL
La problématique de l’émancipation de la femme, et de façon générale celle des droits humains renvoie à la question de l’ambition portée par l’existence de ces Institutions internationales, Traités, Chartes et autres Protocoles. Pourquoi tout cela ? A quelles fins suprêmes répondent ces organisations internationales et ces engagements des Etats ?
Tout cela vise à fonder une communauté qui partage les mêmes valeurs, qui respecte des normes communes et qui s’engage collectivement et solidairement à les promouvoir et à les pratiquer afin d’assurer la dignité humaine, de réduire « les distances morales », de promouvoir l’entente et de pacifier les relations entre les Etats. Ces éléments sont caractéristiques d’une culture, d’une civilisation, qui ambitionne d’être universelle c’est-à-dire mondiale. Cette civilisation universelle a pour support la mondialisation institutionnelle dont la légitimité de la gouvernance est assurée par les Traités entre les Nations. Ses valeurs fondamentales proclamées par la Charte des Nations-Unies sont la liberté, la paix et la sécurité, l’égalité, la justice et le progrès social. Ces valeurs sont une composition de valeurs communes à toutes les cultures, parce qu’enracinées dans la nature de l’être humain, de valeurs qui sont des acquis de l’histoire et de valeurs liées aux aspirations de ses membres.
Les acquis de l’histoire sont principalement ceux de l’histoire de la civilisation occidentale, fille de l’humanisme Grec et du monothéisme juif, et qui, de l’antiquité gréco-romaine à l’ère post moderne actuelle, a connu plusieurs phases de maturation, au Moyen-âge, à la Renaissance et au siècle des Lumières (1453-1789) et à l’ère industrielle avec les colonisations, les révolutions politiques, la mondialisation, la laïcisation de l’Etat et la démocratie parlementaire.
L’émancipation de la Femme en Afrique se présente donc comme le processus qui doit conduire à l’harmonisation entre la civilisation africaine et la civilisation universelle, notamment en ce qui concerne la place et le rôle de la Femme africaine dans la civilisation universelle. Un processus de revitalisation de la civilisation africaine, expurgée des éléments caducs et inhibiteurs, débarrassée des apports extérieurs aliénateurs et enrichie des valeurs de la modernité et des droits humains. L’enjeu, c’est notre légitimité d’appartenance à la civilisation universelle et à toutes les institutions qui la gouvernent, notre légitimité de nous considérer membre de cette communauté mondiale, la sincérité et la crédibilité de nos engagements dans les traités internationaux.
La tâche est immense car l’émancipation de la Femme en Afrique demeure entravée par toute une série de contraintes qui relèvent souvent de la tradition, qui s’inscrivent dans le regard que nos sociétés patriarcales portent sur les femmes. Ces contraintes se nourrissent de stéréotypes de genre liés à des normes sociales ancestrales, familiales, culturelles et religieuses, et à des représentations souvent fortement ancrées dans les mentalités. Elles entretiennent à des degrés divers de nombreuses inégalités entre les hommes et les femmes.
Les droits fondamentaux des femmes sont régulièrement bafoués sinon constamment menacés par des forces conservatrices qu’elles doivent affronter pour le respect de l’intégrité de leur corps (mutilation génitale, agression sexuelle et physique, viols, etc.), pour la liberté de leurs choix matrimoniaux (mariages précoces et forcés) et pour l’accès à des droits familiaux qui ne les réduisent pas à l’état de mineurs ontologiques (héritage, gestion des ressources familiales).
A l’école, dans la vie professionnelle, économique, politique et sociale les femmes sont l’objet de discriminations et contraintes à une position de minorité et de subordination par rapport aux hommes.
Les filles ont moins de chance que les garçons d’aller à l’école et d’atteindre des niveaux d’instruction élevés. Elles ont peu d’opportunités d’accéder à une qualification professionnelle et à un emploi rémunéré décemment.
Elles sont exposées au phénomène des grossesses précoces et des filles-mères, qui entrainent des abandons scolaires, provoquent parfois le rejet de la famille et de l’entourage et compromet l’avenir de ces adolescentes. Souvent abandonnées par les parents et par leurs partenaires, livrées à elles-mêmes, la plupart des filles-mères vivent dans la précarité, exploitée, exposées aux abus et à la violence, parfois contraintes à la prostitution.
Dans le monde du travail, les femmes sont peu nombreuses dans les postes de responsabilité et de direction. A qualification égale, leur salaire est toujours inférieur à celui des hommes.
Le taux d’analphabétisme est plus important chez les femmes que chez les hommes : 60% des 10 millions d’analphabètes en Côte d’Ivoire ; 2/3 des 800 millions d’adultes analphabètes dans le monde.
Ne sachant ni lire, ni écrire, abandonnées à elles-mêmes, sans qualification professionnelle, ni compétences managériales, de nombreuses femmes en Afrique rencontrent d’énormes difficultés pour accéder aux ressources, aux technologies et aux marchés, pour entreprendre une activité économique et accéder à l’autonomie financière.
Dans de nombreuses communautés, le droit coutumier leur donne rarement accès à la terre et la propriété foncière. Pourtant, ce sont elles qui produisent jusqu’à 80% des denrées alimentaires.
C’est en réalité une question de pouvoir, ce pouvoir détenu historiquement par les hommes et dont ils ont tant de mal à concéder le partage. En Côte d’Ivoire on compte seulement 34 femmes sur 255 députés à l’Assemblée nationale (12,5%) ; 24 femmes sur 99 sénateurs (24%) ; 21 femmes Maires sur 201 communes (10%) ; 02 femmes présidentes de Conseil Régional (6%) et 6 femmes sur 33 membres du gouvernement (inférieur à 2%).
La tâche est immense mais l’émancipation de la femme en Afrique est un impératif catégorique. Elle exige de repenser les politiques en faveur de la femme afin d’en faire une urgence nationale si nous ne voulons pas que le fossé qui nous sépare de la civilisation universelle s’agrandisse davantage au rythme de l’évolution de la société moderne sous l’impulsion des technologies numériques et de l’intelligence artificielle.
III. L’EMANCIPATION DE LA FEMME EN AFRIQUE EST AUSSI UN DEFI ET ENJEU DE DEVELOPPEMENT
Comment peut-on raisonnablement imaginer nous hisser au niveau des pays développés, si la moitié de la population africaine demeure de côté, à l’écart, mal insérée dans le monde du travail, en marge d’une activité économique décente et exclue de la décision politique.
Une famille, une communauté et un pays ne se développent que proportionnellement aux efforts de la femme. La discrimination est donc non seulement injuste sur un plan éthique mais elle est absurde en termes d’efficacité économique et de perspectives de développement. Sans la pleine participation des femmes au processus de développement, notre croissance économique restera limitée. C’est pourquoi, il nous faut passer urgemment de la parole aux actes c’est-à-dire faire de l’émancipation de la femme une urgence en Afrique et se fixer des objectifs ambitieux en termes d’éducation/formation, d’alphabétisation, d’autonomisation et de responsabilisation.
Passer de la parole aux actes, c’est rendre l’école effectivement obligatoire et gratuite en particulier pour la jeune fille et éradiquer l’analphabétisme.
Dans le monde moderne, savoir lire, écrire et calculer afin d’être capable d’analyser et de comprendre les phénomènes et les évènements de la vie quotidienne est fondamentale pour l’existence et l’épanouissement de tout être humain. Il est impérieux de révolutionner la politique d’alphabétisation et de promouvoir l’éducation non formelle afin d’éradiquer l’analphabétisme en Afrique à l’horizon 2050, soit un taux d’alphabétisation avoisinant les 100% en une génération.
Passer de la parole aux actes, c’est assurer la promotion économique des Femmes et affermir une vraie égalité professionnelle. Les Femmes doivent être au cœur de la transformation structurelle de l’économie africaine et de la modernisation du secteur informel. Cela passe par la formation des femmes à l’esprit d’initiative et d’entreprise, par le financement et l’accompagnement. C’est un enjeu majeur qui exige la mobilisation de toutes les Institutions publiques et privées, notamment l’administration publique, les collectivités locales, les Organisations Non Gouvernementales (ONG), les Institutions financières et le secteur privé.
Passer de la parole aux actes c’est ne jamais baisser les bras devant les violences faites aux femmes. Nous devons nous attaquer au décalage entre nos engagements internationaux et la réalité que vivent les femmes, parfois tragique lorsqu’il s’agit de mutilations.
Deux tiers (2/3) des Abidjanaises ont été dans leur vie victimes de violences conjugales. Là aussi, il convient d’appliquer la tolérance zéro.
Les viols sont beaucoup trop fréquents parce que là encore, chez nous en Côte d’Ivoire, le poids de nos traditions et l’indifférence de l’opinion contre-carrent l’indispensable répression. Il faut en finir avec cette culture de l’impunité du viol. C’est un crime qui doit être sévèrement sanctionné d’abord par la réprobation générale en plus de la répression pénale.
Passer de la parole aux actes c’est combattre énergiquement toutes les pratiques coutumières discriminatoires qui entravent l’émancipation des femmes, notamment en matière d’héritage, de transmission de la propriété foncière et de succession.
Passer de la parole aux actes, c’est développer la responsabilité citoyenne et assurer la promotion politique des femmes. Dans ce domaine les organisations non gouvernementales et les partis politiques doivent être à la pointe du combat, pour promouvoir les femmes dans les organes de direction et leur participation aux élections nationales et locales d’une part, et pour renforcer par les programmes de formation leurs capacités politiques d’autre part.
L’administration publique doit donner l’exemple et servir d’aiguillon à travers une politique hardie de promotion de femmes aux postes de nomination et de direction et des subventions exceptionnelles aux partis politiques et ONG qui participent à l’émancipation politique des femmes.
Passer de la parole aux actes c’est moderniser et renforcer le cadre juridique et institutionnel de la politique de la Femme. Avec 27 milliards FCFA comme budget en 2024, le Ministère chargé de la Famille, de la Femme et de l’Enfant se classe parmi les 4 derniers Ministères dans l’allocation des ressources publiques, loin derrière le Ministère de la Jeunesse (65 milliards FCFA) et à des années lumières du Ministère de l’Education nationale (1.236 milliards F CFA). Cette faible dotation budgétaire trahit le déficit d’une conscience de l’enjeu que représente l’émancipation de la femme et l’absence d’une ambition d’associer les femmes à la transformation politique, économique et sociale du pays. Elle explique le sentiment d’abandon que ressentent les femmes et les faibles résultats enregistrés en matière d’égalité du genre, de lutte contre les préjugés sexués, les violences et les discriminations à l’égard des femmes.
Il faut changer radicalement de politique. L’importance stratégique de la politique en faveur des femmes exige au plan institutionnel que le Ministère chargé de la politique de la Femme, de la Famille et de l’Enfant soit érigé en ministère d’Etat. Sa dotation budgétaire et ses moyens d’intervention devraient être notablement renforcés afin de lui permettre de réaliser l’égalité Homme / Femme en l’espace d’une génération, c’est-à-dire à l’horizon 2050.
Passer de la parole aux actes c’est avoir chevillé au corps ce sentiment fort qu’il est de notre responsabilité à tous, de faire évoluer notre société, de relever le défi de civilisation qui nous est lancé et de faire de l’émancipation de la femme un moteur de la renaissance africaine.
Nous le savons. A travers l’histoire, nombreuses ont été et sont encore à l’heure actuelle les initiatives des femmes africaines pour s’émanciper de l’ordre patriarcal, pour s’affirmer et assumer leur leadership dans divers domaines de la vie traditionnellement réservés aux hommes où dans lesquels elles sont victimes de discrimination. Reines, Prophétesses, Résistantes, militantes féministes, elles sont nombreuses les femmes qui ont défié les préjugés et marqué l’histoire de l’Afrique. Qui ne se souvient de la Princesse YENNEGA, fondatrice du royaume Mossi au 12ème siècle dans l’actuel Burkina Faso, de ANNE ZINGHA, farouche résistante à l’impérialisme européen dans l’actuel Angola, des Amazones du Dahomey dans l’Afrique précoloniale qui se considéraient plus fortes et plus courageuses que les hommes, etc.
En Côte d’Ivoire, la Reine ABLA POKOU, fondatrice du Royaume WALEBO, est un symbole de la place éminente de la Femme dans la société ivoirienne.
Sous la colonisation, les femmes ont été présentes dans les luttes politiques et sociales pour l’émancipation de la Côte d’Ivoire. A l’indépendance elles sont restées mobilisées pour participer à la gestion du pays. L’avènement du multipartisme en 1990, a eu pour conséquence une présence plus marquée des femmes dans la vie nationale avec la création de plusieurs organisations associatives à caractère féministe. Aujourd’hui, les interventions des femmes se sont diversifiées et renforcées.
Le 8 mars nous le rappelle. Le 8 mars nous y engage, afin que demain femmes et hommes ne transmettent plus à leurs enfants une culture de la division sexuelle du travail et de la domination des garçons sur les filles.
L’EMANCIPATION DES FEMMES, NOUS LA VOULONS. ENSEMBLE, NOUS LE POUVONS.
HE FOR SHE !
JE VOUS REMERCIE.
Pascal AFFI N’Guessan
Ancien Premier Ministre
Président du FPI
Député