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ÉRIGER LES ANTIVALEURS EN VALEURS, C’EST PREPARER UNE NATION SANS AME

Alors que nous avons le regard rivé sur la CAN, notre CAN, qui débute le samedi 13 janvier 2024, l’actualité de ces derniers jours, dans notre pays, rime avec des scandales de corruption mettant ainsi à mal l’honorabilité du pays. En attendant des arguments plus convaincants des autorités pour innocenter ceux qu’on pourrait désigner comme responsables des faits hautement répréhensibles, chacun y va de son commentaire. A dire vrai, les citoyens ivoiriens ont besoin de plus d’éclairage afin que l’autorité ne donne pas raison à Michel Polac, célèbre journaliste français de presse écrite, de radio et de télévision qui avait dit : « Une société parfaitement juste ferait le malheur des crétins. Une société injuste leur laisse au moins l’illusion qu’ils n’ont pas la place qu’ils méritent. » Est-ce le cas ici chez nous en Côte d’Ivoire ?

 

En effet, les scandales que la Cour des Comptes révèle chaque jour au monde entier, scandales qui se succèdent mais qui ne seront jamais punis, comme bien d’autres dans le passé, ne sont que la conséquence de nos laxismes et nos mauvaises habitudes sous les tropiques. Sommes-nous condamnés à être si complaisants quand il s’agit des affaires de l’Etat ? Or, il suffit d’un minimum de rigueur et de mise au pas pour que les choses changent radicalement dans le bon sens.

 

Pour mieux comprendre, visitons un peu notre passé récent en y puisant quelques exemples.

 

En effet, chaque année, à la veille des vacances du nouvel an ou de Pâques, des élèves de nos lycées et collèges, par des mouvements d’une violence inouïe, exigeaient des vacances anticipées. Pour se faire entendre, ils détruisaient, cassaient, pillaient les outils pédagogiques des établissements, saccageaient les infrastructures, séquestraient proviseurs et chefs d’établissements, censeurs et éducateurs, délogeaient enseignants et élèves qui voulaient travailler. Ils les menaçaient verbalement quand ils ne les tailladaient pas à l’arme blanche. Ce phénomène avait pris tellement d’ampleur à chaque approche de congés qu’il mettait en danger la vie de nombreux élèves et paisibles citoyens et à mal le bon fonctionnement de tout le système éducatif. N’en pouvant plus de regarder les élèves faire, les autorités décidèrent de prendre des mesures énergiques en internant à Bimbresso les fauteurs de troubles pris sur les lieux des saccages.

 

Si certains ivoiriens avaient soutenu cette décision des autorités en charge de l’école, d’autres, par contre, y avaient plutôt vu une façon bien curieuse de traiter la question comme si les autorités faisaient ainsi la politique de l’autruche.

 

Sans partager le point de vue des fauteurs de troubles qui ont introduit la violence dans le système éducatif de notre pays, je m’étais, en son temps, posé aussi la question de savoir si interner des élèves à Bimbrosso était la seule solution pour mettre fin au phénomène des congés anticipés ? N’y aurait-il pas existé d’autres moyens pour changer les mentalités de nos élèves devenus accrocs des troubles violents et des congés anticipés, de la vente de la drogue et du vol ? En vérité, il en existait plusieurs dont un seul a été utilisé.

 

En effet, il a été constaté qu’après la punition à Bimbresso, le phénomène a presque disparu aujourd’hui. L’an dernier comme cette année à ma connaissance, il n’a été observé presqu’aucun mouvement de congés anticipés dans aucune école sur le territoire ivoirien. Il ne pouvait en être autrement car la rigueur et la sanction sont passées par là. 

 

Mais bien que ce phénomène tende à disparaitre, ce n’est pas pour autant que l’école ivoirienne vit aujourd’hui ses heures de gloire tant la violence et la tricherie à grande échelle dans nos Universités et grandes écoles sont monnaie courante.

 

Malgré les énormes moyens que l’Etat et les parents d’élèves investissent dans la formation des élèves et étudiants, l’école ivoirienne va à vau-l’eau. Elle, dont le rôle devrait être de contribuer, par la formation que les apprenants y reçoivent, au développement de la société ivoirienne, donne chaque jour d’elle l’image d’un bateau sans gouvernail. Mais est-ce vraiment la faute à la seule école ?    

Pour bien répondre à cette question interrogeons-nous sur la problématique des rapports entre école et société. En d’autres mots, quelle image la société ivoirienne donne-t-elle d’elle aux Ivoiriens en général et aux élèves en particulier qu’elle voudrait que la jeunesse en formation dans les écoles copie ? Car toute société a des valeurs qu’elle perpétue et laisse en héritage aux générations montantes. Quelles sont les nôtres que les enfants devraient-ils prendre en exemple ?  

 

Il est évident et su de tous que l’école n’évolue pas dans un milieu fermé, homogène et stable. Les difficultés rencontrées par les parents, le comportement des citoyens à commencer par les plus hautes autorités de l’Etat, les encadreurs, tous les acteurs que les élèves rencontrent, côtoient, voient et écoutent chaque jour peuvent avoir ou ont une influence sur eux. Alors, que constatons-nous de nos jours ? Rien qu’en prenant le cas de la vie à Abidjan, capitale économique, pôle industriel, culturel, référence en matière de mode de vie moderne et modèle de notre pays, la Côte d’Ivoire va mal.

 

Petits exemples : Les feux tricolores dans cette ville n’ont plus leur raison d’être. Qui les respecte encore ?

 

Les trottoirs réservés en temps normal aux piétons sont devenus le passage préféré des taxis communaux, des véhicules particuliers et même administratifs au nez et à la barbe de la police. Ne méritent le respect dans cette ville que ceux qui ont les poches pleines et grosses cylindrées. D’où la ruée. Peu importe d’où viennent leurs richesses. Ils narguent tout le monde. Aujourd’hui, les « Sais-tu qui je suis ?» ont la maitrise totale du terrain. Dans ces conditions, tout le monde se demande à quoi bon souffrir encore à apprendre et à travailler dur s’il existe d’autres voies plus rapides pour y parvenir ? 

 

Les microbes, ces enfants violents qui agressent, volent, brûlent et tuent en pleine journée sont tolérés et appelés affectueusement « Enfants en conflit avec la loi ». Autrefois, l’école était la vraie et seule garantie de réussite du citoyen en dehors du commerce et du travail de la terre. Aujourd’hui, il y a plus prometteur que l’école. On réussit mieux, on gravit mieux et plus rapidement les échelons, on fait plus rapidement fortune en volant, tuant et violant les lois de la République. Il n’est pas rare de voir et de rencontrer des diplômés chômeurs, des diplômés tirant des charrettes à bras, gérant des cabines téléphones, des docteurs chômeurs par milliers dans nos villages, nos villes, nos quartiers et nos rues. Pendant ce temps, des illettrés et analphabètes roulent carrosse. L’école fait-elle encore rêver comme autrefois ? Pour mieux comprendre ce qui nous arrive, sachez que jusqu’au 6 janvier 2024, certains enseignants-chercheurs en poste dans nos universités n’avaient pas encore perçu leurs salaires du mois de décembre 2023. C’est dire que leurs enfants n’ont eu droit à aucun bon petit repas de fête encore moins à un cadeau. Leur malheur aura été d’avoir choisi un métier qui ne nourrit plus son homme. Et avec ces prix qui grimpent et qui grimpent, les salaires sont vite dépassés. Plus aucune économie n’est possible. Dans ces conditions, quel est le modèle de valeur que propose notre société à nos enfants, aux jeunes générations qui représentent notre avenir ?

 

La société ivoirienne a besoin de modèle et d’hommes de valeur. C’est pourquoi, l’Etat est prestement invité à faire le ménage dans la maison à moins qu’il ne veuille nous montrer que la seule voie qui vaille est celle du vol, de la corruption et de l’impunité. Attention, comme l’a dit Pierre Reverdy, Poète et homme de lettres dans Le livre de mon bord [Notes (1930-1936)] et qui voulait ainsi faire la morale à la société dont les déviations préparent souvent le chaos : « La société, ce n'est pas l'Etat. L'Etat n'est que le gérant d'une société anonyme qu'il a pris l'engagement de servir, mais qu'il ne se charge, en réalité, que d'exploiter. » 

 

Il est encore temps pour sauver la maison commune. Alors, sauvons-la.

 

Prof. Jules ADJA

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