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CAFÉ-CACAO : UN AUDIT PARLEMENTAIRE DE LA FILIÈRE S’IMPOSE.

Après plusieurs mois de menaces de grève et de tensions, à cause du prix d’achat du cacao imposé par le gouvernement et jugé insuffisant par les producteurs au regard de la hausse exceptionnelle du prix international, le gouvernement vient de façon exceptionnelle de fixer à 1500 F CFA le kilogramme de cacao pour la campagne intermédiaire 2023-2024 qui a démarré le lundi 1er avril 2024. Mais cette décision n’a pas mis fin à la controverse, certains producteurs jugeant insuffisante cette augmentation de 50% au regard du prix international du cacao, pendant que d’autres la trouvent satisfaisante, en comparaison du prix de la campagne principale.

 

Il convient de noter que le cours du cacao sur le marché international connait une forte hausse depuis l’année 2022. En octobre 2022, le kilogramme de cacao était négocié à 1900 F CFA. En octobre 2023, ce prix est passé à 3300 F CFA, soit une hausse de 74%. Alors que l’on devait s’attendre à un prix bord champ d’au moins 1900 F CFA/kg conformément au principe de payer au producteur 60% du prix CAF, le gouvernement et le ‘’Conseil Café-Cacao’’ ont décidé de fixer ‘’le prix minimum garanti’’ à 1000 F CFA/Kg, soit moins de 30% du prix CAF. Depuis octobre 2023, le cours du cacao sur le marché international a poursuivi sa trajectoire haussière, atteignant le montant de 6000 F CFA le kilogramme en mars 2024.

 

Sur la base d’un prix moyen CAF de 4000 FCFA/Kg et d’un niveau de ventes de 1,3 millions de tonnes de cacao, on peut estimer à 5200 milliards FCFA le montant des ressources générées par la filière au cours de la campagne principale qui vient de s’achever. Ainsi, en dépit de la chute de la production et des ventes par rapport à la campagne 2022-2023 (1,8 millions de tonnes x 1900 FCFA/Kg = 3420 milliards F CFA), on note que les ressources générées par la filière cacao ont connu une augmentation de 52% en 2023-2024.

 

La répartition de cette manne financière montre que le revenu des producteurs est en recul de -19,7% par rapport à la campagne 2022-2023, passant de 1620 milliards F CFA (900 FCFA/Kg x 1,8 millions de tonnes) à 1300 milliards F CFA, pendant que les ressources cumulées des autres acteurs de la filière progressent de +116% passant d’environ 1800 milliards FCFA à 3900 milliards F CFA (plus que doublé). A travers les redevances payées et les reversements effectués par les exportateurs au profit du ‘’Fonds de Réserves’’, le ‘’Conseil Café-Cacao’’ apparait comme l’un des principaux bénéficiaires de la hausse du prix du cacao à l’international.

 

Cette spoliation des cacaoculteurs est d’autant incompréhensible et surprenante qu’elle est en contradiction flagrante avec une préoccupation centrale de la réforme de la filière café-cacao que représente la lutte contre la pauvreté en milieu rural, ‘’la sécurisation et l’amélioration du revenu des producteurs’’, ceux-ci ‘’ayant toujours été le maillon le plus faible de la chaine des intervenants’’.

 

C’est du reste au nom de cette préoccupation qu’a été créée ‘’l’Initiative Cacao Côte d’Ivoire-Ghana’’ (ICCIG) en août 2021, afin que les deux géants du cacao au niveau mondial (plus de 60% de la production) constituent une sorte ‘’d’OPEP du cacao’’ et soient en mesure de peser sur le cours mondial du cacao. Mais où est passé le Différentiel de Revenu Décent (DRD), une prime de 400 dollars par tonne de cacao que dans le cadre de ce partenariat commercial, les deux pays ont réussi à imposer aux Exportateurs et qui devrait être reversée directement aux producteurs ivoiriens et ghanéens ?

 

Au-delà du DRD, les deux pays ont décidé, à travers l’ICCIG de sortir d’une situation de concurrence commerciale qui nourrit la contrebande à leur frontière commune, et d’aligner leurs politiques de régulation de la commercialisation intérieure et extérieure du cacao. Cet accord explique-t-il le refus obstiné des autorités ivoiriennes d’améliorer substantiellement le prix minimum garanti pour la campagne intermédiaire ? Si non, à quoi vont servir les centaines de milliards F CFA de ‘’reversements’’ engrangés par le ‘’Conseil Café-Cacao’’ à la faveur de la flambée du cours mondial de cacao ?

 

Ces questions se posent parce qu’à la faveur de la réforme, l’Etat a pris la filière café-cacao en otage et la gère dans l’opacité totale, au détriment des producteurs, réduits à subir à chaque campagne des prix arbitraires. Après plus de dix ans, l’Interprofession prévue par la réforme, qui leur aurait permis d’avoir un regard sur la gestion de la filière n’a pas encore vu le jour, le recensement des producteurs traine en longueur, les organisations professionnelles agricoles de café et de cacao sont livrées à elles-mêmes et la promotion économique et sociale des producteurs de café et de cacao reste hélas un vœu pieux.

 

Pendant la campagne 2016-2017, l’incompétence du ‘’Conseil Café-Cacao’’ en matière de veille, de prévision et d’études prospectives n’a pas permis d’anticiper la surproduction mondiale et de réguler la commercialisation du cacao ivoirien. En conséquence, les producteurs ont perdu des dizaines de milliards de F CFA dans la suspension des ventes moins de deux mois après l’ouverture de la campagne. ‘’La sécurité, la viabilité et la pérennité’’ des mécanismes de régulation de la filière et de stabilisation des prix ont été prises à défaut.

 

Cette année, le ‘’Conseil Café-Cacao’’ est obligé de reporter sur la campagne intermédiaire des contrats de la campagne principale qu’il n’a pu honorer à cause cette fois ci, d’un déficit de production qu’il n’a pas pu prévoir. Aux Exportateurs concernés, il va céder à 1000 F CFA / Kg un cacao payé maintenant aux producteurs à 1500 F CFA/Kg. En puisant dans le ‘’Fonds de Réserve’’ pour équilibrer la transaction, il fera payer aux producteurs les conséquences financières de son incompétence.

 

La création de l’ICCIG soulève d’autres interrogations, à commencer par celle de son existence juridique. En tant que Député, je n’ai pas connaissance que cet accord qui crée une organisation intergouvernementale dotée d’un siège basé à Accra et d’Organes d’administration (Conseil d’Administration) et d’Exécution (Secrétariat Exécutif), ait fait l’objet d’une loi de ratification comme le prescrit l’article 120 de la constitution.

 

On peut par ailleurs s’interroger sur la viabilité d’un tel « cartel ». A la différence de l’OPEP (pour le pétrole), il ne peut moduler la production à sa guise (quotas) ni imposer d’embargo sur un produit périssable. Ses moyens d’influence sur le cours mondial du cacao sont donc limités. Au niveau bilatéral on peut aussi se demander comment réussir une politique commune du cacao dans deux pays qui ont des réalités économiques, financières, monétaires et sociales différentes : le Ghana sort d’une grave crise économique et est soumis à un programme d’ajustement structurel strict soutenu par le FMI au titre de la Facilité Elargie de Crédit (FEC), afin de rétablir la stabilité macroéconomique et la viabilité de sa dette, alors que la Côte d’Ivoire travaille à atteindre la tranche supérieure des pays à revenus intermédiaires. Une politique économique commune doit pouvoir prendre appui sur des critères de convergence macro-économique, donc sur une politique d’intégration qu’offre par exemple le cadre de la CEDEAO. Malheureusement les Chefs d’Etat de la CEDEAO rechignent à la concrétiser, notamment au plan monétaire.

 

En raison de l’importance stratégique de la filière café-cacao dans l’économie nationale et la société ivoirienne, la transparence et la compétence doivent être au centre de sa bonne gouvernance. En 2018, les suspicions de détournement des ressources du ‘’Fonds de Réserves’’ n’ont pas reçu de clarifications convaincantes. On s’est contenté de se séparer de la directrice générale, sans explication.

 

Au regard de tout ce qui précède il est urgent qu’une Commission d’enquête parlementaire procède à un audit de la réforme de la filière café-cacao notamment en ce qui concerne la pertinence et l’efficience du cadre juridique et institutionnel, le mécanisme de la commercialisation intérieure et de la commercialisation extérieure du café et du cacao, ainsi que la gestion financière de la filière.

 

𝐏𝐚𝐬𝐜𝐚𝐥 𝐀FFI N’GUESSAN

𝐃é𝐩𝐮𝐭é à 𝐥𝐀𝐬𝐬𝐞𝐦𝐛𝐥é𝐞 N𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧𝐚𝐥𝐞

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