Le président du Front populaire ivoirien (FPI), Pascal Affi N’Guessan, a appelé à une enquête parlementaire sur la gestion de la filière cacao en Côte d’Ivoire. Il a exprimé, lors d’une récente déclaration à l’occasion de la traditionnelle fête de la Liberté à l’initiative de son parti politique, célébrée cette année dans la réflexion et la politique, son espoir que le Bureau de l’Assemblée nationale statuera sur cette question.
Pascal Affi N’Guessan a souligné que l’Assemblée nationale n’est pas au service de l’Exécutif ou du président de la République, mais au service du peuple de Côte d’Ivoire. Il a insisté sur le rôle de l’Assemblée nationale en tant que contre-pouvoir et organe de contrôle de l’action gouvernementale et d’évaluation des politiques publiques. « J’ai adressé le courrier au président de l’Assemblée nationale. J’ai sollicité les différents groupes parlementaires, y compris le groupe parlementaire du RHDP, pour qu’ils appuient l’initiative parce que l’Assemblée nationale est un contre-pouvoir. L’Assemblée nationale n’est pas au service de l’Exécutif. L’Assemblée nationale n’est pas au service du président de la République. L’Assemblée nationale est service du peuple de Côte d’Ivoire. Et le peuple de Côte d’Ivoire a institué cet organe pour lui servir d’œil de regard sur la gestion de l’Exécutif. C’est pourquoi au-delà du vote de la loi, et même le vote de la loi, est un acte majeur parce que ça veut dire que le président de la République ne peut pas se lever et commencer à travailler sans soumettre son programme à l’Assemblée nationale, sans avoir la caution de l’Assemblée nationale. S’il envisage de dépenser 10.000 milliards, 11.000 milliards de FCFA au cours de l’année pour le développement national, il doit soumettre ce projet d’abord à l’Assemblée nationale pour qu’elle regarde, évalue, contrôle et même lors qu’il (le président) a fini, il y a ce qu’on appelle la loi de règlement qui est une étape où le président, à travers ses ministres, vient présenter le bilan de l’action qu’il a menée, le bilan de l’usage qu’il a fait des ressources qui ont été mises à sa disposition, C’est pourquoi, dis-je, l’Assemblée nationale au-delà du vote de la loi, a aussi un rôle de contrôle de l’action gouvernementale et d’évaluation des politiques publiques. Donc l’audit doit s’inscrire dans cette logique d’évaluation de la politique du gouvernement dans le domaine de la filière café-cacao », a-t-il rappelé.
Le président Pascal Affi N’Guessan a, en effet, critiqué le modèle actuel de gestion de la filière café-cacao, mis en place depuis 2012 sous la présidence d’Alassane Ouattara. Selon lui, ce système a démantelé les anciennes structures décentralisées et a créé une confusion des rôles et des responsabilités. « Depuis 2012, lorsque le président Ouattara est arrivé au pouvoir, il a décidé de réformer la filière la filière café-cacao, c’est-à-dire de sortir du système qui était en place au temps du président Gbagbo pour mettre en place un nouveau système. Et c’est ce nouveau système qui est en vigueur aujourd’hui. Ce nouveau système a démantelé les anciennes structures : BCC, FRC, FDPCC, ARCC, des structures qui étaient décentralisées, des structures où toutes les fonctions n’étaient pas amalgamées, où ceux qui étaient chargés de la régulation avaient leur structure à part, ceux qui étaient chargés de la commercialisation avaient leur structure de manière à ce qu’il n’y ait pas confusion des rôles, confusion des responsabilités et que les uns contrôlent les autres. C’était la logique de la réforme que nous avions mise en place à partir de 2002. Ils ont démantelé cela pour revenir en fait au système de la Caisse de stabilisation où tout est ensemble. Régulation, commercialisation et contrôle. Il faut qu’on fasse le bilan, ça fait 10 ans ! Le gouvernement lui-même, logiquement, aurait pu prendre les devants pour faire une évaluation personnelle du système qu’il a mis en place. Ça n’a pas été le cas et aujourd’hui, les dysfonctionnements affleurent. Notamment en ce qui concerne le mécanisme de fixation de prix », a révélé le patron de la Maison bleu et blanc.
Pascal Affi N’Guessan a également déploré l’opacité de la gestion de la filière et les rumeurs de détournement. « Nous savons qu’il y a aussi des rumeurs de détournement. Il y a une forme d’opacité sur la filière. Nulle personne n’a un moyen de contrôle de ce qui se passe à l’intérieur de la filière. Les paysans n’y sont pas, le gouvernement gère, de façon opaque, la filière. C’est devenu la caisse du gouvernement comme ça l’était à l’époque d’Houphouët-Boigny. Or, nous ne sommes plus à l’époque d’Houphouët-Boigny », a regretté le président du FPI.
Pascal Affi N’Guessan a souligné les problèmes liés au mécanisme de fixation des prix, affirmant que le prix est fixé sans la participation des producteurs et que le principe d’accorder 60% du prix CAF aux producteurs n’est pas respecté. Il a également critiqué la gestion des prévisions de récolte par le Conseil café-cacao, citant des exemples de surproduction et de pénurie qui n’ont pas été anticipés. Il a alors dénoncé : « A notre époque, c’étaient les planteurs eux-mêmes qui annonçaient le prix. Maintenant, c’est le ministre de l’Agriculture qui l’annonce et le prix est fixé sans la participation des producteurs à telle enseigne que même ce que le gouvernement lui-même avait décidé de leur accorder, 60% du prix CAF, ce principe-là n’est pas respecté. Ensuite, nous savons qu’il y a aussi des rumeurs de détournement. Il y a une forme d’opacité sur la filière. Nulle personne n’a un moyen de contrôle de ce qui se passe à l’intérieur de la filière. Les paysans n’y sont pas, le gouvernement gère de façon opaque la filière… On note également qu’en matière de prévision des récoltes, chaque fois la structure qui a cette responsabilité, puisque c’est par rapport aux prévisions des récoltes qu’on sait à quel niveau va se situer le prix international et donc le prix qu’il faut payer aux paysans, le Conseil café-cacao est toujours à côté de la plaque ».
Selon le président Pascal Affi N’Guessan, au cours de la campagne 2016-2017, le Conseil café-cacao n’a pas anticipé qu’il allait y avoir surproduction au niveau international. « Ils ont fixé les prix et puis quand la campagne a commencé en octobre, dès le mois de novembre, on voit que le cacao a envahi le marché et ils ne peuvent plus payer le prix qu’ils ont fixé. Ils ont été obligés d’arrêter la campagne. Si vous vous rappelez les camions qui étaient alignés aux ports pendant des mois. Les paysans ont perdu des dizaines de milliards de FCFA. Le cacao a pourri devant les usines, devant les ports. Cette année, c’est la même chose. En 2016-2017, c’était la surproduction qu’ils n’ont pas pu anticiper. Cette année, c’est la pénurie. Ils ont fixé les prix sans savoir qu’il va y avoir pénurie sur le marché et que les prix vont s’envoler… Donc, il faut qu’on mène une enquête pour savoir ce qu’il y a dans la caisse et à quel niveau on est. Or, on sait que l’argent sort de la caisse », a-t-il indiqué.
L’ancien Premier ministre ivoirien a conclu en rappelant les paroles du premier président ivoirien, Félix Houphouët-Boigny, en 1944 : « On nous a trop volés ! » et a souligné que la situation du paysan n’a pas changé malgré l’indépendance du pays. Il a appelé à une enquête pour évaluer la situation actuelle de la filière cacao et pour mettre fin à ce qu’il considère comme un vol continu des paysans. « Trop de gaspillage, trop d’exploitation. Donc, il faut le changement pour repenser tout ça. Et c’est pour cela que nous avons demandé une enquête parlementaire et j’espère que les groupes parlementaires vont accompagner cette initiative pour qu’on voie claire dans la filière café-cacao et qu’on vérifie si la réforme qui a été mise en place a produit les résultats escomptés ou s’il faut encore passer à une autre réforme », a suggéré Pascal Affi N’Guessan.
Robert Krassault
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